L’élevage de chevaux, comme tout élevage, qu’on le veuille ou non, c’est avant tout de la génétique, même si les éleveurs se sont toujours appuyés sur leur expérience, leur « feeling » pour choisir leurs croisements, sans forcément traduire leurs choix en gènes, en chromosomes ou autres allèles.
Aujourd’hui la science permet aux éleveurs d’accéder à un outil qui peut les aider à réduire considérablement la part de hasard et d’incertitude : les tests génétiques.
Après le séquençage quasi complet du génome humain en 2001, c’est en 2006 que le génome équin a été séquencé et a ouvert la voie des tests génétiques aux éleveurs de chevaux.
L’intérêt majeur de ces tests est de permettre le dépistage de maladies génétiques chez les reproducteurs afin de procéder à des croisements raisonnés en termes de santé. A ce sujet, nous vous renvoyons vers notre article qui recense les principales maladies génétiques dans les races de chevaux de sport.
Mais encore faut-il avoir quelques bases de génétique pour y avoir recours avec pertinence.
Cet article s’est largement inspiré du site Robes et génétique des chevaux qui est de loin le site le plus complet et le plus fiable sur le sujet de la génétique des robes. Pour approfondir encore plus, la créatrice de ce site, Caroline Sauvegrain, est également l’auteure du livre de référence sur le sujet, publié aux Editions de l’IFCE : « Génétique des robes des équidés » et la créatrice d’un groupe Facebook de référence qui permet de se former progressivement.
En attendant, nous allons essayer de résumer l’essentiel.
De manière schématique, on peut dire que l’ADN d’un individu est composé de plusieurs chromosomes, qui fonctionnent par paire : un chromosome donné par la mère + un chromosome donné par le père = une paire de chromosome du produit
Les chromosomes sont eux mêmes composés de gènes qui « codent » les caractéristiques du produit. Chaque gène d’une paire de chromosome est composé de deux allèles : un allèle donné par la mère, et un allèle donné par le père.
Source : www.robesetgenetiquedeschevaux.fr
Chaque gène a pour mission de « coder » une caractéristique de l’individu. Une maladie, ou une couleur, par exemple..
Tout l’enjeu est de savoir quel est le résultat de la combinaison de ces deux allèles qui forment le gène. Les allèles peuvent être classés en 3 catégories en fonction de ce qu’on pourrait appeler leur « pouvoir codant ».
Quand un gène est composé de deux allèles identiques, on dit que l’animal est homozygote (le mot grec « homoios » signifie « semblable »).
Quand un gène est composé de deux allèles différents, on dit que l’animal est hétérozygote (le mot grec « heteros » signifie « semblable »).
Chaque cheval a une « robe de base » qu’on pourrait comparer à la couleur de fond d’un tableau. Cette robe base, qui peut être noire, alezane, ou baie, est codée par deux gènes : Extension et Agouti. Ensuite, d’autres gènes peuvent modifier la couleur de la robe de base, ce sont les gènes modificateurs.
Cette robe de base peut être : Noire, Alezan, ou bai.
Pour coder la robe de base, le cheval a deux gènes : le gène Extension et le gène Agouti.
Ces deux gènes Extension et Agouti codent donc bien la robe de base noire, alezane, ou baie de tous les chevaux. Mais ensuite interviennent les gènes modificateurs…
Bien qu’il n’y ait que 2 « places » sur un gène (les 2 allèles), un gène peut regrouper + que 2 allèles. C’est le cas du gène MATP qui en regroupe 5 :
- 4 mutations : le Crème, le Pearl, Le Sunshine, le Snowdrop,
- et l’allèle Sauvage, c’est-à-dire l’allèle non muté.
Imaginez un jeu de chaises musicales où il y aurait 2 chaises (les 2 emplacements disponibles sur le gène pour les allèles) et 5 allèles, qui tournent autour des 2 chaises…
> L’allèle plus courant est le Crème, qui est responsable des robes isabelle et palomino entre autres.
L’allèle CR indique la présence de crème.
L’allèle C (ou parfois cr) indique la présence de l’allèle dit « sauvage » c’est à dire l’allèle non-muté, qui n’est ni Crème, ni Pearl, ni Sunshine, ni Snowdrop : il est « non-colorant ».
L’allèle Crème est semi-dominant. En un seul exemplaire il « dilue » (éclaircit) la robe, en double exemplaire il la dilue encore plus, et rend les yeux du cheval bleus.
Voyons pour chaque robe de base (noir, alezan et bai) comment agit le gène Crème :
- Robe de base alezane
Si le cheval est CC (homozygote non-crème) il reste alezan
Si le cheval est CRC (hétérozygote Crème), il est palomino
Si le cheval est CRCR (homozygote Crème), il est cremello (visuellement il est presque blanc, ou beige délavé/crème, et il a les yeux bleus)
- Robe de base baie
Si le cheval est CC (homozygote non-crème) il reste bai
Si le cheval est CRC (hétérozygote Crème), il est isabelle
Si le cheval est CRCR (homozygote Crème), il est perlino (visuellement il est presque blanc, ou beige délavé/crème, et il a les yeux bleus. Théoriquement les crins peuvent avoir une teinte plus soutenue que chez les cremello, mais ce n’est pas systématique et pas facile à voir…)
- Robe de base noire
L’allèle crème agit peu (ou pas) sur la couleur noire (ce qui explique pourquoi les crins du cheval de robe de base baie restent noirs avec un allèle crème)
Si le cheval est CC (homozygote non-crème) il reste noir
Si le cheval est CRC (hétérozygote Crème), il est smoky black. Visuellement il reste noir (même si parfois la robe peut tendre vers le chocolat)
Si le cheval est CRCR (homozygote Crème), il est smoky cream (visuellement il est presque blanc, ou beige délavé/crème, et il a les yeux bleus. Théoriquement les poils et les crins peuvent avoir une teinte plus foncé / grisée que chez les cremello ou les perlinos, mais ce n’est pas systématique et pas facile à voir…)
> L’allèle Perle
L’allèle Perle est nettement moins courant que le Crème. Il est très prisé par certains amateurs car associé à l’allèle Crème il donne au cheval de très beaux yeux verts et une robe un peu dorée…
L’allèle prl indique la présence de l’allèle Perle
L’allèle C (ou parfois cr) indique la présence de l’allèle dit « sauvage » c’est à dire l’allèle non-muté
Si le cheval n’a qu’un seul exemplaire de l’allèle Perle (C prl) , sa couleur reste inchangée. On dit qu’il est porteur de Perle
Si le cheval a 2 exemplaires de l’allèle Perle (prl prl), sa couleur est diluée, son poil est brillant, mais ses yeux restent foncés. On dit qu’il est double Perle.
Enfin, si le cheval a une combinaison crème + perle (CR prl), sa robe sera « double diluée », d’une couleur ressemblant aux chevaux double crème (cremello, perlinos, ou smoky cream) mais un peu plus foncée et plus brillante, et les yeux seront verts.
Le double Perle est très recherché par les amateurs de Perle en élevage, puisque cela permet de transmettre le gène Perle à 100% des produits, et de chercher à l’associer au Crème pour produire des poulains Crème Pearl aux yeux verts…
> Les allèles Snowdrop et Sunshine sont encore très rares, si vous voulez en savoir plus, c’est ici.
Le gène Gris a la particularité d’être un gène évolutif. Le poulain naît avec une robe colorée, quelle qu’elle soit, et le gène Gris commande la dépigmentation : progressivement des poils blancs apparaissent et le cheval devient progressivement complètement blanc.
L’allèle G désigne l’allèle « Gris », c’est un allèle dominant
L’allèle g désigne l’allèle « non gris », c’est un allèle récessif
- un cheval GG va donc grisonner
- un cheval Gg va donc aussi grisonner
- un cheval gg ne grisonnera pas.
Il existe d’autres gènes modificateurs, moins fréquents que le Crème ou le Gris : le Dun, le Silver, le Champagne, et le Mushroom. Nous vous invitons à visiter le site Robes et génétique des chevaux si vous souhaitez approfondir la question.
Les taches blanches des chevaux sont le résultat d’une multitude de gènes différents, et non pas d’un seul (ce serait trop simple). Ces gènes peuvent être quasi invisibles, ou donner par exemple des petites balesanes ou des marques en tête, jusqu’à de grandes taches blanches comme les vaches, ou des taches comme les appaloosa, voire même rendre les chevaux intégralement blancs.
Bref, toute une palette de marquages blancs régis par toute une série de gènes, trop nombreux d’ailleurs pour qu’on les évoque tous ici. Les patrons pie ou leopard sont en outre assez peu présents (pour le moment) parmi les chevaux de sport.
Le gène pie qui provoque de grandes taches blanches et qui est le plus fréquent parmi les chevaux de sport est certainement de Tobiano (To).
Pour en savoir plus sur les marquages blancs, c’est par là !
Enfin, il existe d’autres gènes, souvent encore non identifiés et on testables, qui peuvent par exemple foncer la robe et les cris (sooty), éclaircir les crins (flaxen), introduire des sortes de rayures/bringeures (IP, Brindle 1)…
Nous avions déjà publié un article sur les pathologies génétiques testables ici.
Voici un survol des pathologies génétiques liées à des gènes couleur chez les chevaux, afin vous aider à raisonner vos croisements.