Comment choisir son étalon de sport ?

27/06/2024

Le 23 janvier 2024, les experts Elisa Pautex (Stud-book Selle Français), Maxime Denis (France Étalons et Haras de Talma) et Renaud Rahard (La Collection - Étalons de dressage) sont intervenus dans notre table ronde « Comment choisir son étalon de sport ? ». Retrouvez, dans l’ordre des questions posées par les internautes, les éléments de réponse donnés par nos intervenants. 

Comment choisir son étalon de sport ?

 

#1 : Doit-on prendre en compte la technique de reproduction (IAC/IAF/etc) dans son choix ?

Selon nos experts, le choix de la technique de reproduction est un élément à prendre en compte dans le choix de l’étalon.

 

La faisabilité technique d’une technique de reproduction

L’éleveur doit ainsi se poser la question de la faisabilité technique : en fonction de la localisation de sa jument et de son centre d’insémination mais aussi des compétences de l’inséminateur, il devra privilégier une technique plutôt qu’une autre. Par exemple, dans des régions reculées, l’IAC est une bonne option. 

La semence fraîche est de meilleure qualité selon les statistiques, et si l’on souhaite utiliser l’IAC, il est important de se tourner vers un centre où le suivi vétérinaire sur place est excellent pour avoir un suivi gynécologique très rapproché. De même, on évitera l’IAC sur des juments jeunes sur lesquelles on n’a pas suffisamment de recul sur la fertilité. 

 

L’importance de la communication

Il est indispensable pour l’éleveur d’instaurer un dialogue avec le centre d’insémination, qui, au fil des années, aura une bonne connaissance de la jument et qui saura orienter l’éleveur sur la technique de reproduction qui aura le plus de chances de fonctionner. 

 

#2 : Quelles sont vos grandes lignes de recommandations pour choisir un étalon (pour produire un bon poulain) pour le CSO/le dressage ?

 

Se poser les bonnes questions

L’éleveur devra se poser la question de ses objectifs, de ses attentes concernant le poulain : sera-t-il commercialisé ? À quel type de cavalier sera-t-il adressé ? Sera-t-il la relève de la jument de cœur de l’éleveur ? Sera-t-il destiné au sport de haut niveau ? En fonction des réponses à ces questions, l’éleveur ou le cavalier amateur pourra prioriser certaines qualités comme le mental et la facilité d’utilisation, tandis qu’un éleveur ayant pour objectif de produire des futurs champions aura plutôt tendance à donner la priorité à des qualités telles que le sang, la force, la locomotion ou le respect (en fonction de la discipline choisie). 

 

L’évaluation de la jument

Il est également indispensable pour l’éleveur de commencer par une bonne évaluation de sa jument : bien la définir dans son modèle, prendre en compte ses résultats dans le sport, ses qualités, ses défauts, son mental. Quels sont les points qu’il apprécie chez sa jument ? Quel est son historique ? Est-ce son premier poulain ?

 

Choisissez l’étalon qui vous fait rêver

Nos experts conseillent tout d’abord aux éleveurs de choisir un étalon qui les fait rêver, conseil qui s’applique notamment aux éleveurs amateurs. De plus, pour produire un futur cheval de sport, il est pertinent de choisir un étalon qui a fait ses preuves : l’éleveur devra l’avoir vu de ses propres yeux, en vidéo, connaître ses parents ou ses produits. Il est important qu’il ait une vision globale sur la carrière sportive et de reproducteur de l’étalon : ses produits ont-il performé dans le sport ? si oui, à quel niveau ?

 

Se rapprocher de son stud-book

Nos experts conseillent également aux éleveurs de se rapprocher de leur stud-book, qui pourra les aider à choisir un étalon qui correspond au programme de sélection de la voie mâles. En fonction de leurs objectifs, les éleveurs devront également se demander s'ils souhaitent faire confiance à la jeune génétique (dans un intérêt financier par exemple : les saillies de jeunes étalons sont vendues moins cher et permettent, en France et en fonction des stud-books, aux éleveurs de bénéficier de primes), ou bien à un étalon reconnu (si l’éleveur a un objectif commercial, un étalon à la mode lui donnera de meilleures chances de vendre son poulain). 

 

#3 : Sait-on quelles qualités/défauts se transmettent/ne se transmettent pas ?

 

Recul et statistiques sont de mise

Nos 3 intervenants affirment qu’il est difficile de savoir quelles qualités et défauts se transmettent à la production. Ils s’accordent à dire que le recul sur la production est nécessaire jusqu’aux générations 10 ou 12 pour pouvoir estimer la transmission de ses qualités et défauts. En prenant l’exemple d’un étalon de CSO, ils expliquent que tout est question d’équilibre : un étalon ayant beaucoup de force aura possiblement moins de sang et plus de respect qu’un étalon moins puissant. 

 

Selon eux, il est impossible de faire de généralités. Néanmoins, il semblerait que le chic se transmette assez facilement en une génération. Concernant la force, il faudra plus de générations. Ils conseillent aux éleveurs d’éviter de choisir un étalon radicalement opposé à leur jument, et insistent sur le fait que certains étalons ne transmettent pas systématiquement leurs caractéristiques : un étalon de grande taille ne produira pas forcément très grand. Le recul et la vue statistique sont donc nécessaires !

 

L’impact de l’éducation par la mère

Par ailleurs, l’éducation faite par la mère aura un impact non négligeable sur le mental, le caractère du poulain, tout comme les choix de l’éleveur concernant les premiers mois et années de vie du poulain : va-t-il vivre en groupe avec d’autres poulains, comment va-t-il être sevré, comment sera-t-il sociabilisé ?

 

Des indices génétiques édités par le stud-book Selle Français

Elisa Pautex explique que l’on est capable de savoir si certains critères sont plus transmissibles que d’autres. Le stud-book Selle Français édite des indices génétiques, dans lesquels on trouve les caractéristiques transmissibles par les étalons. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter la Masterclass spéciale Selle Français, présentée par Elisa. 

Par ailleurs, elle explique que grâce à la génomique, on sera bientôt capables de connaître le pourcentage de chances d’obtenir un poulain de telle ou telle taille. Ces recherches n’en sont qu’à leurs débuts, et sont principalement centrées sur les bovins pour l’instant. 

 

#4 : Doit-on partir des qualités de la jument et les renforcer ? Ou au contraire partir de ses défauts et les « compenser » ?

 

Comme ils l’ont mentionné dans une précédente question, nos experts conseillent aux éleveurs de partir du positif, de ce qu’ils aiment chez leur jument, et ensuite de se demander ce qu’ils aimeraient améliorer afin de hiérarchiser les défauts, et d’avoir conscience des concessions qu’ils sont prêts à faire. Il est donc nécessaire de choisir un étalon qui va confirmer les qualités que l’éleveur souhaite garder, et de choisir les qualités à apporter, c’est-à-dire les défauts prioritaires de la jument  qu’il souhaite améliorer.

Ils insistent sur la hiérarchisation des caractéristiques à apporter à la jument : il est impossible selon eux de compenser tous les défauts d’une jument en une fois. Ils conseillent de bien veiller à ne pas dégrader les qualités de la jument, et de rester dans le même morphotype. 

 

#5 : Je cherche à produire un poulain avec un bon mental. Comment faire ? Est-ce que ça se transmet ?

 

L’impact des expériences de vie du poulain

Oui et non : certains étalons font des poulains faciles et intelligents, mais le parcours de vie du poulain aura au moins autant d’importance que sa génétique sur l’aspect du caractère. Le mental fait partie des critères les plus facilement « améliorables » par l’humain, et le plus difficile des poulains pourra devenir pratique grâce à l’éducation. 

 

L’impact de l’éducation faite par la jument

Le choix de la jument est primordial si l’on souhaite produire un poulain « facile », puisqu’elle transmettra cette caractéristique à son poulain par le biais de son éducation

 

L’évaluation du mental des étalons par le stud-book Selle Français

Elisa Pautex explique que le guide des étalons Selle Français propose une évaluation du mental et de la facilité d’utilisation des étalons approuvés à 3 ans qui participent au Testage. L’évaluation est réalisée par Manuel Godin, directeur technique du Haras de la Cense : il observe les comportements, sensibilités, réactions des étalons pendant les 10 jours de Testage et transmet son évaluation, visible dans les fiches du Guide Étalons publié par le stud-book. 

 

#6 : Qu’est-ce qu’on appelle une souche et pouvez-vous nous donner un exemple concret ?

 

Qu’est-ce qu’une souche ?

Une souche, par définition, est un ensemble d'organismes d'une même espèce et provenant d'un même ancêtre. Il s’agit en fait d’une référence à la lignée maternelle, c’est-à-dire à l’évaluation de la mère du produit, de sa deuxième mère (la mère de la mère), de sa troisième mère, etc. De manière générale, pour savoir si une souche est intéressante, on analyse la performance des mères, leur production (ont-elles produit des performers ?), tout en prenant en compte l’âge des mères : par exemple, si elles ont produit en étant jeunes, ça peut expliquer qu’elles n’aient pas performé dans le sport.

Lorsque l’on sélectionne des étalons, il est intéressant de s’arrêter sur le fait qu’il y ait ou non des étalons dans la souche, étant donné que l’on sait que certaines souches ont fait de très bons chevaux de sport. Avec le recul et l’expérience, on sait qu’il y a des critères d’héritabilité dans les souches, tels que le sang par exemple. 

D’après nos experts, l’évaluation de la souche maternelle est importante, mais ce n’est pas le seul critère de choix. Il ne faut pas tomber dans l’extrême : une excellente souche, croisée avec un très bon étalon ne produira pas forcément un super poulain. Parfois, on a des souches très courtes (avec peu de produits) mais tous les produits ont été très performants. A l’inverse, on voit parfois des étalons ne provenant pas de souches très reconnues, ce qui ne les empêche pas d’être d’excellents reproducteurs. 

 

L’évaluation de la lignée maternelle par le Selle Français

Elisa Pautex nous explique que le stud-book Selle Français est capable de présenter l’évaluation de la lignée maternelle à partir des indices de performances : pour un cheval donné, on regarde les performances de la 1ère mère et de ses produits, de la 2ème mère et de ses produits, … jusqu’à la 5ème mère, avec des coefficients qui varient : 

  • pour la 1ère mère, le coefficient est de 1,
  • pour la 2ème mère, le coefficient est de 1 aussi,
  • pour la 3ème mère, il est de 0,75%,
  • pour la 4ème mère, il est de 0,5%,
  • et pour la 5ème mère, il est de 0,25%. 

Elisa précise que le calcul est complexe, mais elle explique que pour évaluer une lignée maternelle, on prend en compte tous les produits ayant un indice de 120 ou plus. La méthode de calcul comptabilise les points sur lesquels s’appliquent les coefficients précédemment cités, ce qui donne un total permettant d’évaluer la lignée maternelle. Et en fonction de ce total, on attribue une note : 

  • à partir de 30 points ou plus, on est à 8/10,
  • à partir de 40 points ou plus, on est à 9/10,
  • et à partir de 50 points ou plus, on est à 10/10. 

Cette méthode mathématique ne s’applique qu’aux souches françaises ayant tourné en compétition en France. Pour les chevaux étrangers ou qui ont tourné à l’étranger, on n’a pas ou peu d’informations, donc l’évaluation est moins précise. Si vous souhaitez obtenir l’évaluation de la lignée maternelle de votre jument, vous pouvez l’obtenir sur demande en envoyant un mail au stud-book Selle Français avec le nom de votre jument. 

L’évaluation de la lignée maternelle d’une jument utilise différents labels, de manière à simplifier la lecture et la compréhension des fiches : 

  • Le label Sport est attribué en fonction de son indice dans le sport si la jument a tourné en compétition.
  • Le label Elevage est attribué en fonction de l’évaluation de sa lignée maternelle.
  • Le label Modèles & Allures est attribué en fonction de ses résultats en concours de Modèles et Allures si elle en a fait. 

Les labels servent principalement à simplifier la lecture des fiches. 

Pour chacun de ces labels, les niveaux d’évaluation sont (du meilleur au moins bon) : Elite, Excellente, Très Bonne. 

 

#7 : Qu’est-ce que l’inbreeding et comment s’assurer de faire un bon inbreeding ?

 

Qu’est-ce que c’est ?

L’inbreeding, c’est le fait de croiser des cousins germains, ou en tout cas, d’avoir le même père ou la même mère à des générations différentes. Le principe a beaucoup été utilisé dans le monde des pur-sangs au départ. D’après nos experts, « c’est une manière de fixer une caractéristique : si on prend un père et une mère qui sont issus eux-mêmes des mêmes parents, alors on a une concentration génétique, et on maîtrise un peu plus l’héritabilité, même si on risque aussi d’avoir un certain nombre de déficit sur d’autres points, en particulier sur la stabilité, le caractère, la résistance aux maladies. » Il est préférable de privilégier l’inbreeding en générations 3 ou 4 plutôt que 1 et 2. 

 

Les limites de l’inbreeding

À savoir : on n’a aucune donnée fiable sur les bons pourcentages d’inbreeding à appliquer, ni même comment les placer. Il s’agit uniquement de retours d’expériences, tels qu’ils ont été observés sur de grands étalons tels que Rantzau ou Cor de la Bruyère… 

 

Elisa Pautex précise que l’inbreeding peut aussi être source de problèmes, tels que la diminution de la fertilité, l’apparition d’anomalies génétiques, … L’IFCE conseille de ne pas dépasser 6% de coefficient de consanguinité. En consultant le portail Infos Chevaux (lien) de l’IFCE, vous pouvez trouver le coefficient de consanguinité des poulains qui sont nés, et vous pouvez faire des simulations sur le simulateur de croisement de l’IFCE disponible ici (lien). 

Les travaux de génomique nous permettent par ailleurs d’éviter les croisements à hauts risques en ce qui concerne les maladies génétiques (plus d’informations sur les maladies génétiques des chevaux de sport ici).

 

#8 : Qu’appelle-t-on la jeune génétique ? Faut-il y avoir recours ?

 

Les intérêts à utiliser de la jeune génétique

Ils sont nombreux : 

  • L’aspect financier : les prix sont moins élevés pour les jeunes étalons que pour des performers ayant déjà fait leurs preuves ET en France,  les éleveurs peuvent bénéficier de primes en utilisant la jeune génétique (en se référant à leur stud-book). 
  • Les étalons sont de manière générale disponibles en semence fraîche quand ils sont jeunes (ce qui offre aux éleveurs une meilleure fertilité et meilleure facilité d’usage). 
  • L’utilisation de la jeune génétique permet de réduire les intervalles entre les générations (en utilisant par exemple une jeune mère et un jeune père), qui est facteur du progrès génétique. 
  • C’est également une marque de confiance que les éleveurs accordent à l’étalonnier en permettant de lancer une carrière d’étalon.  

 

Les programmes d’encouragement : le cas du PGA mis en place par le stud-book SF 

Le stud-book Selle Français incite l’utilisation de la jeune génétique par des programmes d’encouragement : le Programme Génétique Avenir (PGA) concerne les étalons de moins de 9 ans dans les 3 premières années de leur carrière d’étalon. Ces étalons sont disponibles sur le site www.etalonsf.fr et permettent aux éleveurs qui leur font confiance de bénéficier d’encouragements afin de réduire les intervalles entre les générations.

 

Il est intéressant de noter qu’en dressage, on n’utilise presque que de la jeune génétique, et on peut observer que le progrès est nettement plus rapide qu’en CSO, notamment en France. 

 

#9 : Est-ce que la couleur a de l’importance ?

 

Purement sportivement, la couleur n’a pas d’importance, mais une fois encore, tout dépend des objectifs de l’éleveur : d’un point de vue commercial, la couleur a beaucoup d’intérêt, et les connaissances actuelles en génétique permettent de procéder à des sélections sur ce critère.

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